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Hydrogène : entre promesses écologiques et réalités techniques

11 septembre 2024
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L’hydrogène est souvent présenté comme une solution d’avenir pour répondre aux défis de la transition énergétique. À mesure que les préoccupations liées au changement climatique s’intensifient, cette énergie, qui ne rejette que de l’eau lors de son utilisation, semble offrir un espoir d’une consommation énergétique propre.

Pourtant, derrière cette façade prometteuse se cachent de nombreuses problématiques. Si les discours politiques et industriels vantent les mérites d’un hydrogène vert et durable, la réalité technique et environnementale est plus complexe. Entre rendement faible, dépendance aux énergies fossiles et coûts élevés, cet article explore les différentes facettes de cette énergie en plein essor.

Les défis techniques et énergétiques de l’hydrogène

L’hydrogène, bien qu’en apparence prometteur, rencontre plusieurs obstacles majeurs avant de devenir une alternative viable aux énergies fossiles. L’un des premiers défis réside dans la production de cette énergie. En effet, même si l’hydrogène est une source d’énergie propre lors de son utilisation, la production elle-même reste largement dépendante des énergies fossiles. Actuellement, environ 95 % de l’hydrogène mondial provient du pétrole, du charbon ou du méthane, ce qui en fait une source d’énergie « grise », loin d’être verte. Ce processus, émettant de grandes quantités de CO2, pose donc un véritable paradoxe pour une énergie censée contribuer à la réduction des émissions.

Un autre obstacle majeur réside dans le rendement énergétique de l’hydrogène. Contrairement à une batterie électrique, qui restitue environ 70 % de l’énergie emmagasinée, l’hydrogène ne restitue qu’environ 25 % de l’énergie consommée. Ce faible rendement, combiné à des coûts de production encore élevés, rend difficile son adoption à grande échelle, notamment dans le secteur des transports. Les prototypes de véhicules fonctionnant à l’hydrogène, comme ceux testés sur le circuit des 24 heures du Mans, peinent encore à prouver leur compétitivité face aux voitures électriques traditionnelles.

La question du stockage et de la distribution de l’hydrogène est également un casse-tête technique. L’hydrogène est l’élément chimique le plus léger de l’univers, mais aussi l’un des plus inflammables. Sa manipulation et son transport nécessitent des infrastructures coûteuses et hautement sécurisées, freinant encore une fois son adoption rapide. Ces limitations techniques expliquent pourquoi, malgré un fort soutien financier et politique, l’hydrogène tarde à s’imposer comme une alternative crédible.

Un soutien financier et politique massif pour une énergie en développement

Malgré les défis techniques et énergétiques, l’hydrogène bénéficie d’un fort engouement, alimenté par les pouvoirs publics et les acteurs industriels. L’Europe, et en particulier la France, voient dans cette énergie un moyen de décarboner les secteurs les plus polluants, comme les transports et l’industrie. En Espagne, le géant Iberdrola (très apprécié dans le pays) se penche également sur l’hydrogène pour diversifier son mix énergétique (constitué principalement d’hydroélectrique, de solaire et d’éolien). De nombreuses collectivités locales ont ainsi adopté des bus fonctionnant à l’hydrogène pour leurs transports publics, afin de mettre en avant cette technologie à zéro émission directe.

L’industrie automobile, notamment celle des sports mécaniques, joue également un rôle dans cette promotion. Les démonstrations de prototypes de voitures roulant à l’hydrogène sur des circuits prestigieux comme celui des 24 heures du Mans participent à entretenir l’idée d’une transition énergétique imminente dans ce secteur. Toutefois, il faut noter que ces démonstrations ne sont encore qu’à un stade expérimental. Il reste à voir si l’hydrogène parviendra à concurrencer les véhicules électriques classiques dans un avenir proche.

De surcroît, l’hydrogène est présenté par certains gouvernements comme un levier pour la réindustrialisation. En soutenant la filière, l’objectif est de créer des emplois et de relocaliser une partie de la production industrielle, tout en atteignant des objectifs climatiques ambitieux. En France, des start-ups innovantes, comme Lhyfe, se sont spécialisées dans la production d’hydrogène vert à partir de sources d’énergie renouvelables telles que l’éolien et le solaire. Ces projets, bien qu’encore modestes en termes de volumes produits, montrent qu’il est possible de décarboner le processus de production.

Cependant, ce développement massif de l’hydrogène nécessite également une augmentation considérable de la production d’électricité verte, notamment à travers des parcs éoliens et solaires, ce qui pose des questions sur l’impact environnemental et paysager de telles infrastructures. Bien que la production d’hydrogène vert soit une avancée indéniable, elle reste pour l’instant marginale face à la production d’hydrogène gris, et son expansion à grande échelle est loin d’être acquise.

Des innovations prometteuses mais des interrogations écologiques persistantes

Face à ces défis, de nouvelles solutions émergent pour rendre l’hydrogène plus vert et plus accessible. L’innovation est au cœur de cette dynamique, avec l’apparition de technologies visant à produire de l’hydrogène à partir de ressources renouvelables. Par exemple, des chercheurs travaillent sur la production d’hydrogène naturel à partir de microalgues, une alternative qui pourrait révolutionner l’industrie dans les décennies à venir. Cette méthode, bien qu’encore au stade expérimental, présente l’avantage de ne produire aucun CO2 et d’utiliser des ressources renouvelables.

Parallèlement, la start-up Qairos explore une autre piste innovante : produire de l’hydrogène à partir de chanvre. En effet, selon cette entreprise, un hectare de chanvre permettrait de faire rouler une voiture sur une distance de 10 000 km, une solution qui pourrait sembler séduisante. Cependant, cette approche soulève également des inquiétudes sur le plan écologique, notamment en ce qui concerne les potentielles monocultures intensives qui pourraient résulter d’une production de masse.

Un autre axe de recherche se concentre sur l’exploration des sous-sols. Certains géologues estiment que la Terre renferme des quantités naturelles d’hydrogène, appelées « hydrogène blanc ». Si cette ressource naturelle pouvait être exploitée à grande échelle, elle constituerait une véritable révolution pour la filière énergétique. En Lorraine, par exemple, des projets sont en cours pour explorer ces gisements potentiels. Cependant, les quantités disponibles et la faisabilité de l’extraction à grande échelle restent encore largement inconnues, laissant planer de nombreuses incertitudes sur cette voie.

Toutefois, derrière ces innovations se cachent des questions plus larges. L’hydrogène, malgré son potentiel, ne permet pas de résoudre le problème fondamental de notre consommation énergétique excessive. Même si cette énergie devenait effectivement verte à 100 %, la surconsommation des ressources et l’augmentation constante de la demande énergétique demeureraient problématiques. La véritable transition énergétique nécessitera sans doute une réflexion plus profonde sur nos modes de vie et nos habitudes de consommation, au-delà des simples solutions technologiques.