Nous vivons à l’ère où les tendances s’épuisent à la vitesse d’un post Instagram, et on vous le dit tout de suite, figer son concept dans ces conditions relève du suicide commercial. Pourtant, dans l’univers de la franchise, changer sans dénaturer reste un exercice de haute précision, un véritable jeu d’équilibriste. Il ne s’agit pas de repeindre les murs en vert ou de poser une nouvelle enseigne lumineuse, il s’agit plutôt de faire évoluer en profondeur, de renforcer le modèle sans ébranler les fondations. Autrement dit : innover sans perdre l’âme de la marque.
Entre impératifs du marché, attentes des consommateurs et cohérence de marque, la marge de manœuvre est mince. Mais elle existe. Et certains réseaux en font la démonstration éclatante, en modernisant leur approche, en digitalisant leur relation client et en séduisant une nouvelle génération de franchisés… tout en restant fidèles à leurs fondamentaux. Décryptage !
Changer est vital, mais pas n’importe comment
Ceux qui pensent pouvoir conserver le même concept pendant dix ans vivent dans une autre époque… La vérité, brutale, est qu’un concept qui ne bouge pas est un concept en sursis. Car les clients évoluent, les usages aussi, et les points de vente doivent suivre, s’adapter, parfois devancer. Ce n’est pas une lubie de marketeurs, c’est un impératif de survie !
Pour autant, tout changement n’est pas bon à prendre. L’innovation de façade n’a jamais suffi à sauver une enseigne. La seule vraie transformation qui vaille, c’est celle qui renforce la promesse initiale, celle qui aligne l’expérience client sur les ambitions de la marque. Jeff de Bruges, Franprix, KFC… chacun à leur manière, ces réseaux ont intégré cette règle d’or. Chez eux, le changement n’est pas une mode, c’est un outil. Un outil pour renforcer la lisibilité de leur promesse, affiner leur relation client, fluidifier le quotidien de leurs franchisés. C’est ce que souligne avec justesse Béatrice Toupin, responsable communication et marketing digital de Jeff De Bruges : un bon concept, ce n’est pas qu’une vitrine repensée. C’est une organisation plus fluide pour le commerçant, un parcours plus cohérent pour le client, et un socle plus solide pour toute la marque. C’est là que se joue la vraie modernité.
L’innovation utile, ou « l’art » d’améliorer sans brouiller
On ne le dira jamais assez, l’innovation n’a de valeur que si elle sert la promesse initiale. On ne modernise pas un concept pour coller à l’air du temps ou faire plaisir aux tendances. On le fait pour mieux incarner sa mission, renforcer l’expérience client, fluidifier le parcours sans jamais l’alourdir. C’est toute la nuance entre une évolution maîtrisée et une fuite en avant.
Chez KFC, cette ligne de conduite est devenue une boussole. Leur concept RED — Relevant, Easy, Distinctif — ne se contente pas d’habiller les murs d’un nouveau décor. Il structure un message, celui d’une restauration rapide immédiatement identifiable, lisible et cohérente. L’objectif est que le client sache, sans qu’on lui dise, qu’il est chez KFC. Cela passe par des choix de design, des matériaux, mais aussi par un parcours repensé, plus fluide et plus efficace. Rien n’est superflu, tout est pensé pour servir l’essentiel.
Même son de cloche chez Jeff de Bruges, où l’innovation est moins spectaculaire, mais tout aussi stratégique. Béatrice Toupin le rappelle : « On se veut premium accessible. » Le nouveau concept magasin s’éloigne des codes rigides du luxe et mise sur une ambiance chaleureuse, accueillante, sans jamais trahir le positionnement. L’évolution est là, bien réelle — mais elle ne parasite pas la perception. Elle l’affine. Ce travail de précision, Daniel Moquet le mène aussi sur un terrain où l’innovation est souvent sous-estimée, à savoir celui du produit. Dans un secteur où l’on pourrait croire que tout a déjà été fait, l’enseigne a su injecter de la nouveauté sans trahir son identité. Hydrostar, Alvéostar, Minéralstar… ces solutions techniques prolongent la promesse de l’enseigne en matière de confort, de durabilité et d’esthétique. L’innovation n’y est jamais cosmétique, elle s’ancre dans le concret, dans l’usage, dans l’attente du client.
A l’opposé, certains réseaux sombrent dans la surenchère visuelle ou dans une volonté de « faire jeune » à tout prix, oubliant au passage leurs clients historiques. Résultat : un concept incohérent, une marque illisible. Car l’innovation sans cap, c’est la meilleure façon de se perdre.
Co-construire avec le terrain : le facteur X de la réussite
Aucune transformation ne tient si elle ne s’appuie pas sur ceux qui font vivre la marque au quotidien, nous avons nommé les franchisés. On ne décrète pas une nouvelle identité depuis un siège social. On la construit, sur le terrain, en associant les bons interlocuteurs dès le départ. Cela paraît évident, mais combien d’enseignes oublient encore ce principe de bon sens ? Chez Franprix, les franchisés sont impliqués dès la phase de réflexion. Résultat : des ajustements pertinents, une adhésion massive du réseau, et une mise en œuvre accélérée.
Non, la co-construction, ce n’est pas de la démagogie, c’est de la stratégie. Parce qu’un franchisé convaincu est un ambassadeur puissant. C’est aussi un investisseur plus engagé, plus réactif, et un prescripteur efficace auprès de ses pairs. Le concept évolue, mais le réseau avance d’un seul bloc.
Piloter par la donnée, pas à l’intuition
Un concept séduisant sur le papier ne vaut rien s’il ne produit pas de résultats concrets, car dans un réseau de franchise, l’esthétique ou l’intuition ne font pas loi : seule la performance compte. Et pour la mesurer, il ne suffit pas d’avoir un bon feeling. Il faut des données, des indicateurs, du tangible. Chez KFC, cette rigueur est inscrite dans les process. Avant toute généralisation d’un nouveau concept, chaque prototype est soumis à l’épreuve du réel. Un premier restaurant pilote teste l’agencement, le parcours client, l’impact visuel. Puis vient l’analyse : variation du chiffre d’affaires, flux de fréquentation, retour terrain, satisfaction client. Si les résultats sont probants, l’enseigne passe à l’échelle. Sinon, elle ajuste. Nicolas Gabriel, responsable du développement, résume bien cette approche : « On va le mettre sur un premier restaurant et regarder comment il se comporte. Et ensuite, on va apprendre, on va continuer à le faire évoluer. »
Même exigence de méthode chez Jeff de Bruges, où rien n’est laissé au hasard. Chaque changement de concept passe par une phase de test sur un nombre restreint de points de vente. Les résultats sont scrutés à la loupe. Si la transformation se traduit par une hausse de 20 à 30 % du chiffre d’affaires — ce qui n’est pas rare — alors seulement le réseau considère qu’il est pertinent d’investir.