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Peut-on parler de génocide à Gaza ?

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Le terme « génocide » possède une définition précise en droit international. Toutefois, son usage s’est élargi dans le langage courant, notamment dans les contextes de guerre et de crise humanitaire. Les médias, qui relaient en continu les événements en cours dans la bande de Gaza, participent à la forte résonance émotionnelle de ces images et témoignages. Parmi eux, ceux d’enfants souffrant de la faim et décrivant des scènes de grande détresse.

Une question sensible

Pour analyser une telle situation, deux principes semblent nécessaires. Le premier consiste à mettre de côté toute considération affective ou partisane. La complexité du conflit impose de ne pas confondre opinion personnelle et analyse juridique. Les chiffres avancés, notamment les 52 000 morts recensés par le ministère de la santé à Gaza, autorité dirigée par le Hamas, sont jugés crédibles par des agences internationales telles que l’ONU.
Le second principe repose sur l’analyse du droit international, tel qu’il a été défini au cours du XXe siècle.

Définir juridiquement le génocide

Le mot « génocide », construit à partir du grec « génos » (race) et du latin « cide » (tuer), a été forgé en 1944 par Raphaël Lemkin, juriste d’origine polonaise. Ce terme vise à nommer les crimes de masse, notamment ceux perpétrés contre les Arméniens en 1915. La notion entre officiellement dans le droit international avec la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948.
L’article 6 du Statut de la Cour pénale internationale définit le génocide comme un acte intentionnel visant à détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, souvent accompagné d’un plan concerté et d’une volonté d’effacement matériel.

Positionnement des acteurs internationaux

La question a été posée au président Emmanuel Macron lors d’une émission télévisée en mai 2025. Celui-ci a déclaré que ce n’était pas aux responsables politiques mais aux historiens de se prononcer sur une telle qualification. Cette déclaration faisait suite à l’alerte lancée par Tom Fletcher, haut responsable de l’ONU, qui demandait si des mesures seraient prises pour « empêcher un génocide ». Un avis partagé par le journaliste Jacques Cardoze qui à réagit sur son compte X : « Emmanuel Macron a raison de ne pas vouloir qualifier le conflit à Gaza de Génocide. C’est la dictature de l’émotion et des médias qui incitent à vouloir qualifier trop vite. Par nature l’histoire ne peut se juger sur l’instant »
Dans le même temps, la situation humanitaire à Gaza est décrite par des professionnels de santé comme catastrophique. Des témoignages sur place évoquent des conditions comparables à celles observées dans des conflits de longue durée.

Réactions et discours

Sur le plan international, certains dirigeants emploient sans détour le mot « génocide », comme le président brésilien Lula. La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, assorti d’un délai d’un an pour mettre fin aux hostilités et prévenir tout risque génocidaire.
En France, le débat reste très clivant. Certains responsables politiques, notamment au sein de La France Insoumise, emploient des termes très critiques. D’autres voix, issues du monde intellectuel ou académique, appellent à la prudence dans l’usage de ce terme.

Ce conflit exacerbe des tensions déjà présentes dans la société française. Plusieurs observateurs relèvent les conséquences sociales et affectives d’un tel débat. Des clivages profonds apparaissent, alimentés par des identifications opposées au sein de la population.
Selon certains analystes, les nouvelles générations s’identifient davantage à certaines causes contemporaines, faisant émerger deux radicalités qui s’opposent. Ce phénomène révèle des tensions plus anciennes, qui dépassent le strict cadre géopolitique.

Une qualification historique encore en suspens

Historiquement, seuls trois génocides ont été reconnus par l’ONU : celui perpétré contre les Juifs par le régime nazi, celui des Tutsis par le pouvoir Hutu au Rwanda, et celui contre les Hereros et les Namas en Namibie au début du XXe siècle.
La reconnaissance de ces crimes a nécessité du temps, des enquêtes approfondies et des processus judiciaires longs. L’usage du terme « génocide » dans le cadre du conflit à Gaza reste donc une question ouverte, dont l’évaluation repose sur des critères juridiques stricts et sur l’examen rétrospectif des faits.